En 1951, la Metro Goldwyn Mayer est devenue, parmi les « majors », la compagnie la plus riche en vedettes. Depuis 1939, Arthur Freed, ancien auteur de chansons, y est producteur associé et dirige un département consacré à la comédie musicale. Sous son impulsion, les musicals prennent leur essor. Freed enchaîne les succès après-guerre avec les réalisations de Charles Walters, Vincente Minnelli, Stanley Donen…
Les films-revues consacrés aux auteurs-compositeurs étant à la mode, il commande à Adolph Green et Betty Comden un scénario qui permette de rassembler ses propres chansons, dont Nacio Herb Brown avait la signé la composition. Le duo Freed-Brown avait notamment écrit Chantons sous la pluie à la fin des années 1920. Le public l’avait découverte au cinéma en 1929, comme l’un des numéros composant la Hollywood Review — déjà produite par la MGM.
Version de Singing in the Raindans Hollywood Review 1929
Les scénaristes ont l'idée de situer l'histoire à l'époque même où certaines de ces chansons ont été écrites : les débuts du cinéma parlant. Arthur Freed choisit pour la réalisation le binôme Donen-Kelly, qui avait triomphé avec Un Jour à New York (1949).
Si Gene Kelly est déjà une vedette, le reste de la distribution est plus éclectique. Jean Hagen (Lina Lamont) a percé au théâtre et à la radio, et est connue pour avoir tourné quelques films dramatiques. Donald O’Connor (Cosmo Brown), fils d’artistes de cirque, passe des planches à la caméra dès ses treize ans. Artiste complet, il enchaîne les films populaires, mais souvent médiocres. Sa prestation dans Chantons sous pluie, notamment la séquence de « Make ‘Em Laugh » lui permet d’exprimer enfin tout son talent. Quant au premier rôle féminin, celui de Kathy, Freed souhaite pour l’incarner un nouveau visage : son choix se porte sur Debbie Reynolds, jeune actrice depuis peu sous contrat avec la MGM, et qui n’a jamais dansé.
Gene Kelly & Stanley Donen : réaliser le genre « comédie musicale »
En 1951, Gene Kelly est la nouvelle vedette montante de la MGM. Avec Stanley Donen, jeune chorégraphe et metteur en scène, il avait co-signé Un jour à New York en 1949, et qui avait été présenté à l'époque comme le premier film musical partiellement tourné dans la rue. Puis il avait tenu le premier rôle aux côtés de Leslie Caron dans Un Américain à Paris de Vincente Minnelli. Cette troisième collaboration avec Minnelli le propulse résolument au sommet.
Gene Kelly et Stanley Donen se rencontrent à Broadway en 1940, partageant la distribution du musical Pal Joey. Kelly y tient le premier rôle, qui lui vaudra d’être remarqué et de débuter à Hollywood. Donen a seize ans, il a commencé sa carrière de danseur six ans plus tôt. En 1942, Gene Kelly propose à Stanley Donen de travailler avec lui à Hollywood. Les comédies musicales ne sont encore que les adaptations des créations de Broadway. Du théâtre chanté et dansé, où la caméra peine à prendre sa place. Le duo dénote en proposant des chorégraphies inédites et des scénarios empreints de réalisme. Mais, surtout, Kelly et Donen imaginent les mises en scène qui font enfin émerger un genre propre au cinéma…
« On avait montré avant nous des gens en train de chanter dans la rue. Lubitsch l'avait fait, et Mamoulian aussi. Nous avons seulement un peu plus approfondi cette idée, afin de donner une chance égale à l'histoire, à la musique, à la danse, à la caméra, au rire, sans mettre en valeur l'un de ces éléments au détriment des autres. La comédie musicale était pour nous une question de dosage. Auparavant, elle était toujours esclave de l'un de ces éléments ».
Entretien avec Bertrand Tavernier, rapporté dans Amis américains.