FAIS-LE TOI-MÊME
Paatrice est l'un des membres actifs du collectif normand HSH, fondé sur les préceptes du mouvement DIY. L'acronyme de « Do It Yourself » englobe des courants hétéroclites qui prônent notamment le partage de connaissances, l'auto-édition, le développement de logiciels libres, l'autogestion de lieux communautaires, le refus de l'économie de marché et un sens évident de la subversion.
L'essor de ce mouvement, est intimement lié à la démocratisation des outils numériques de fabrication, d'échange et de diffusion, qui ont lentement mais sûrement donné aux productions amateurs un niveau qualitatif quasi-professionnel. Cependant, l'étiquette dévalorisante collée aux œuvres présentant les caractéristiques du bricolage, les cantonnent encore trop souvent à la marge des champs culturels balisés. S'y expriment pourtant une créativité stupéfiante et vouée à un bel avenir, dans la mesure où celle-ci applique naturellement les principes du recyclage, de la sobriété bienveillante, de la collaboration non-compétitive. Registre emblématique de ce domaine d'expression, le street art*
Voir la bande annonce de « Faites le mur » de Banksy
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19174772&cfilm=178192.html
Mise en abîme remarquable et désopilante des contradictions du street art contemporain.
, fait désormais partie intégrante de nos paysages, urbains et ruraux, publics et médiatiques. Initialement rebelle, éphémère, non-monnayable, le street art s'institutionnalise, se pérennise.
L'essor de ce mouvement, est intimement lié à la démocratisation des outils numériques de fabrication, d'échange et de diffusion, qui ont lentement mais sûrement donné aux productions amateurs un niveau qualitatif quasi-professionnel. Cependant, l'étiquette dévalorisante collée aux œuvres présentant les caractéristiques du bricolage, les cantonnent encore trop souvent à la marge des champs culturels balisés. S'y expriment pourtant une créativité stupéfiante et vouée à un bel avenir, dans la mesure où celle-ci applique naturellement les principes du recyclage, de la sobriété bienveillante, de la collaboration non-compétitive. Registre emblématique de ce domaine d'expression, le street art*
Street art
A la traduction officielle « art urbain », on préférera « art réalisé dans la rue ». Quoi qu'il en soit, il reste un terme fourre-tout englobant aussi bien le graffiti, le pochoir, le collage, la mosaïque et tout autre type d'intervention artistique assumant, d'une part, son illégalité (dans le cas général), sa non-valeur marchande et son impermanence (l’œuvre peut être à tout moment détruite, recouverte, modifiée). En cela, le street art découle de l'art conceptuel, forme de création née dans la seconde moitié du 20e siècle pour tenter de déjouer la financiarisation du marché de l'art. L'idée y est plus importante que l'objet artistique exposée. Une simple phrase écrite sur un mur peut devenir œuvre d'art.Voir la bande annonce de « Faites le mur » de Banksy
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19174772&cfilm=178192.html
Mise en abîme remarquable et désopilante des contradictions du street art contemporain.
Le « faire soi-même » est au cœur de la
création animée *
depuis toujours. Émile Cohl, Norman McLaren, Robert Breer auraient pu aisément s'en prévaloir tant leur production individuelle constitua une succession de trouvailles astucieuses pour s'affranchir des technologies de pointes de leurs époques respectives profondément marquées par l'industrialisation galopante. Que dire de Sébastien Laudenbach, parvenu à réaliser presque seul et dans des conditions qui frôlent le bricolage l'un des longs métrages les plus réussis de la dernière décennie !
La tendance majoritaire de cette « création ciné-graphique » semble aujourd'hui refermer un cycle créatif plus que centenaire en intégrant les inventions qui ont préfiguré celle du cinéma. À la faveur d'une réhabilitation significative de modes d'expression plus humains, car de technologie rudimentaire, quantité de jeux d'optique et de dispositifs de spectacles forains retrouvent actuellement le devant de la scène. Les « lanternes magiques » du 17ème siècle européens deviennent vidéoprojections sauvages sur des immeubles brésiliens (a)
.
Les folioscopes (flip books) du 19ème siècle s'actualisent en « livres flippés »
(b)
ou stimulent la pratique des dessins animés « sur le pouce »
(c)
Les disques stroboscopiques de la même ère pré-cinématographique se recyclent en « phonotrope » dans les festivals
(d).
Les dessins animés peints sur feuilles de celluloïd transparent de l'âge d'or des cartoons hollywoodiens « désaugmentent », la réalité la plus banale
(e).
Les murs et les trottoirs de nos villes se parent de la trace fugitive des
repentirs*
• « Au premier dimanche d'août » de Florence Miailhe
Making of et entretien court sur « La traversée », premier long métrage de Florence Miailhe
• « Automatic Wrinting » de William Kentridge
d'animations calcaires
(f)
ou de fresques monumentales en mouvement
(g)
, pour sublimer le réel ou, plus simplement, pour faire le buzz sur l'Internet depuis la stratosphère
(h).
Combinant allègrement la désinvolture graphiques à une réjouissante réinterprétation de la réalité la plus terre-à-terre, celle de la rue cabossée en l'occurrence, les péripéties improvisées de Ouature nous invitent à renouer avec une liberté de création. Pour un peu, le film de Paatrice nous renverrait même à une période légèrement antérieure à l'invention du cinéma où sévissaient en France les « Arts incohérents ». En 1883, l'un de leurs commentateurs zélés, le critique d'art Félix Fénéon, en décrivaient la philosophie - DIY avant l'heure - dans ces termes : « Tout ce que les calembours les plus audacieux et les méthodes d’exécution les plus imprévues peuvent faire enfanter d’œuvres follement hybrides au dessin [...] à la sculpture ahurie [et à la photographie, ajouterait-on aujourd'hui]... »
Émile Cohl adhéra en son temps au mouvement des Incohérents et en prolongea l'absurde gaîté dans ses premiers films. Ouature contribue incontestablement à raviver le flambeau de cet héritage fantaisiste et ouvert sur tous les publics. Et tout incohérent que soit son récit, le film nous assène finalement un message des plus pragmatiques :
« Faites vous-mêmes de l'animation, c'est un jeu d'enfant ! »
NB : les lettres soulignées entre parenthèses et en rose donnent accès à des boites de dialogues. Celles-ci vous dirigent vers des vidéos ou des sites web cités en référence.
Cinéma d'animation / création animée
Par comparaison avec le cinéma de prises de vues continues (la caméra enregistre à la volée ce qu'elle voit), le cinéma d'animation se fabrique au 24e de seconde près (la caméra photographie image-par-image). Dans ce registre, se distinguent entre eux le cinéma de dessins animés, de volumes animés (stop motion) et d'images de synthèse. Cette fiche pédagogique consacrée à un film plus « ciné-graphique » que « cinématographique » défend l'idée que l'art de l'animation gagnerait à adopter une désignation plus ouverte et plus inclusive. Dans cette optique, l'expression « création animée » paraît satisfaisante.La tendance majoritaire de cette « création ciné-graphique » semble aujourd'hui refermer un cycle créatif plus que centenaire en intégrant les inventions qui ont préfiguré celle du cinéma. À la faveur d'une réhabilitation significative de modes d'expression plus humains, car de technologie rudimentaire, quantité de jeux d'optique et de dispositifs de spectacles forains retrouvent actuellement le devant de la scène. Les « lanternes magiques » du 17ème siècle européens deviennent vidéoprojections sauvages sur des immeubles brésiliens (a)
« Homeless de VJSuave » de Ygor Marotta et Ceci Soloaga.
Vidéo projections itinérantes de séquences animées dans les rues et sur les immeubles de Sao Paolo)
Vidéo projections itinérantes de séquences animées dans les rues et sur les immeubles de Sao Paolo)
« Livres flippés » de Marie Paccou.
De très courtes séquences sont dessinées à même les pages de vieux livres pour en synthétiser de manière décalée le récit ou le message
De très courtes séquences sont dessinées à même les pages de vieux livres pour en synthétiser de manière décalée le récit ou le message
Voir Les « Daumenreise » (Voyage sur le pouce) de Maya Yonesho.
Depuis 2006, l'artiste japonaise fait dessiner aux personnes qu'elle rencontre au cours de ses voyages autour du monde des mini-séquences d'animation sous forme de flip-books dont elle photographie le défilement rapide entre leurs doigts.
Depuis 2006, l'artiste japonaise fait dessiner aux personnes qu'elle rencontre au cours de ses voyages autour du monde des mini-séquences d'animation sous forme de flip-books dont elle photographie le défilement rapide entre leurs doigts.
Voir « Le désordre des choses », vidéoclip de Nikodio et Anthony Gandais.
Ces deux artistes normands ont conçu en deux jours un film d'animation phono tropique pour accompagner l'un des titres de l'album du chanteur français Alain Chamfort.
Ces deux artistes normands ont conçu en deux jours un film d'animation phono tropique pour accompagner l'un des titres de l'album du chanteur français Alain Chamfort.
« Aug(de)mented reality » de Hombre McSteez (Marty Cooper).
Des séquences de dessins animés peints sur feuilles de celluloïds sont superposées à des éléments réels en mouvement pour moquer la prolifération des images de synthèse de réalité augmentée.
Des séquences de dessins animés peints sur feuilles de celluloïds sont superposées à des éléments réels en mouvement pour moquer la prolifération des images de synthèse de réalité augmentée.
Repentir
Les repentirs sont les traces visibles, sur un dessin ou une peinture, des traits de construction ou des précédents états d'une œuvre. Longtemps cachée, car recouverte ou effacée, leur présence sur l'œuvre définitive est désormais beaucoup plus souvent assumée. Elle montre à la fois le geste non-stabilisé de l'artiste, « l'historique » de sa création, ses hésitations, ses corrections, le passé et le présent d'une œuvre visuelle. En animation, des cinéastes comme William Kentridge (Afrique du Sud) ou Florence Miailhe (France) en ont fait la marque singulière de leur travail. Chaque nouvelle phase de décomposition d'un mouvement est dessinée à même la phase précédente. Les séquences de leurs films exposent ainsi les marques fantomatiques de l'intégralité des mouvements de leurs personnages.• « Au premier dimanche d'août » de Florence Miailhe
Making of et entretien court sur « La traversée », premier long métrage de Florence Miailhe
• « Automatic Wrinting » de William Kentridge
Au sein du collectif rouennais HSH, Paatrice a réalisé, seul ou en collaboration, un nombre impressionnant de films et autres bidouillages audiovisuels, dont une grande partie figure sur les DVD aux titres malicieux de « Canard Pirate » et « Les États Réunis ». La liberté technique et graphique, le caractère résolument expérimental, l'impertinence et le goût prononcé pour les rêveries loufoques en sont les principaux ingrédients. En regard de la projection de Ouature, on pourra placer, par exemple :
•« FLTM » (2009) , différentes métamorphoses en « animation calcaire »
• Syntaxerror – Philosophy of the World (2011), réalisé en GIF animés*
Longtemps synonyme de ringardise, les animations en GIF connaissent depuis une petite décennie un sérieux regain d'intérêt dans différents domaines de création artistique et commerciale. Les termes de « GIF art » ou « cinémagraphe » (photographie animée) en découlent.
• Erdal Inci
• Julien Douvier
avec accumulation de marques automobiles.
• « Le labyrinthe emmuré » (2011), motifs et personnages dessinés dans la rue.
• « Revad » (2012), variations dessinées sur les pavés.
La plupart de ces films sont visibles en ligne sur la page Vimeo de Paatrice : https://vimeo.com/user608730)
•« FLTM » (2009) , différentes métamorphoses en « animation calcaire »
• Syntaxerror – Philosophy of the World (2011), réalisé en GIF animés*
GIF animés
Le GIF (Graphics Interchange Format) est un format d'image numérique. Mis au point en 1987, il permettait alors l'échange de fichiers d'images d'un ordinateur à autre en limitant les dégradations dues à leur transfert. Depuis la démocratisation de l'Internet à la fin des années 90, le GIF sert principalement à compresser des images au rendu graphique simple pour les afficher à l'écran le plus rapidement possible. Le format Jpeg est privilégié quant à lui pour les images au rendu photographique car il limite les effets de pixellisation. Mais, contrairement au Jpeg, le format GIF permet d'associer plusieurs images dans un même fichier, facilitant ainsi la création d'animations sommaires, très courtes et tournant en boucle : on parle de « GIFs animés ».Longtemps synonyme de ringardise, les animations en GIF connaissent depuis une petite décennie un sérieux regain d'intérêt dans différents domaines de création artistique et commerciale. Les termes de « GIF art » ou « cinémagraphe » (photographie animée) en découlent.
• Erdal Inci
• Julien Douvier
• « Le labyrinthe emmuré » (2011), motifs et personnages dessinés dans la rue.
• « Revad » (2012), variations dessinées sur les pavés.
La plupart de ces films sont visibles en ligne sur la page Vimeo de Paatrice : https://vimeo.com/user608730)
« Muto » et « Big Bang Big Boom »de Blu.
Habitué aux fresques monumentales, peintes sur les façades d'immeubles du monde entier, le graffeur italien Blu s'est lancé en 2009 dans la réalisation de films d'animation de peintures murales modifiées les unes après les autres. Muto (en 2009) est une succession de sketches sans queue ni tête réalisés sur les murs de Buenos Aires. Big Bang Big Boom (en 2013), plus narratif, est une charge implacable contre la notion toute relative de progrès.)
Habitué aux fresques monumentales, peintes sur les façades d'immeubles du monde entier, le graffeur italien Blu s'est lancé en 2009 dans la réalisation de films d'animation de peintures murales modifiées les unes après les autres. Muto (en 2009) est une succession de sketches sans queue ni tête réalisés sur les murs de Buenos Aires. Big Bang Big Boom (en 2013), plus narratif, est une charge implacable contre la notion toute relative de progrès.)
« INSA's space GIF », publicité pour boisson alcoolisée.
Le street artist brésilien INSA a réalisé en 2012 la première fresque peintes et animée à partir de photographies prises depuis l'espace.
Le street artist brésilien INSA a réalisé en 2012 la première fresque peintes et animée à partir de photographies prises depuis l'espace.
Combinant allègrement la désinvolture graphiques à une réjouissante réinterprétation de la réalité la plus terre-à-terre, celle de la rue cabossée en l'occurrence, les péripéties improvisées de Ouature nous invitent à renouer avec une liberté de création. Pour un peu, le film de Paatrice nous renverrait même à une période légèrement antérieure à l'invention du cinéma où sévissaient en France les « Arts incohérents ». En 1883, l'un de leurs commentateurs zélés, le critique d'art Félix Fénéon, en décrivaient la philosophie - DIY avant l'heure - dans ces termes : « Tout ce que les calembours les plus audacieux et les méthodes d’exécution les plus imprévues peuvent faire enfanter d’œuvres follement hybrides au dessin [...] à la sculpture ahurie [et à la photographie, ajouterait-on aujourd'hui]... »
Émile Cohl adhéra en son temps au mouvement des Incohérents et en prolongea l'absurde gaîté dans ses premiers films. Ouature contribue incontestablement à raviver le flambeau de cet héritage fantaisiste et ouvert sur tous les publics. Et tout incohérent que soit son récit, le film nous assène finalement un message des plus pragmatiques :
« Faites vous-mêmes de l'animation, c'est un jeu d'enfant ! »
NB : les lettres soulignées entre parenthèses et en rose donnent accès à des boites de dialogues. Celles-ci vous dirigent vers des vidéos ou des sites web cités en référence.