JE JOUE À LA OUATURE
Tout le film de Paatrice tient dans cette brève affirmation personnelle. La formule, bien qu'empruntée au langage enfantin, plonge le spectateur dans les dimensions ludique, infantile et ironique d'un moment de récréation. Ouature se reçoit d'emblée comme une sorte d'anadiplose visuelle. Cette figure de style, initiée à l'oral dès l'école primaire, consiste à tisser un assemblage de propositions reliées par leur dernier mot à consonance identique. Les combinaisons sans queue ni tête, passant allègrement du coq-à-l'âne, peuvent occuper l'esprit pendant des heures. Le premier qui revient au point de départ à gagner.
Le ch'val, justement, citation directe de Fantasmagorie, film-fondateur du français Émile Cohl, ouvre et clôt ici la partie. Le clown qui le chevauche lui préfère une ouature. Celle-ci se répand réellement sur les chaussées de la ville, tournicote, virevolte, traverse les panneaux publicitaires et la quatrième dimension, chute dans le vide sidéral, se disloque, se répare, se transforme, affronte la neige et le verglas, s'envole, retombe sur ses quatre roues et finit ingurgitée par le canasson initialement délaissé.
L'absence de structure logique dans ce récit renvoie à l'improvisation de l'enfant-joueur, guidé par son imagination. L'enfant vagabonde instinctivement d'une action à une autre, sans conscience d'un point de départ et d'arrivée, en s'adaptant à son environnement immédiat et aux trésors inattendus qui lui tombent sous la main. Un morceau de calcaire ou son ombre portée, par exemple.
« La spontanéité est la première base de Ouature. Il n’y avait pas de scénario à part le cheval laissé par son cavalier qui découvrait la voiture. La suite a été écrite avec le concours de la météo, de la rue, du mobilier urbain, des gens que je croisais. »
« J'en ai marre/Marabout/Bout'd'ficelle/Selle de ch'val...»
Le ch'val, justement, citation directe de Fantasmagorie, film-fondateur du français Émile Cohl, ouvre et clôt ici la partie. Le clown qui le chevauche lui préfère une ouature. Celle-ci se répand réellement sur les chaussées de la ville, tournicote, virevolte, traverse les panneaux publicitaires et la quatrième dimension, chute dans le vide sidéral, se disloque, se répare, se transforme, affronte la neige et le verglas, s'envole, retombe sur ses quatre roues et finit ingurgitée par le canasson initialement délaissé.
L'absence de structure logique dans ce récit renvoie à l'improvisation de l'enfant-joueur, guidé par son imagination. L'enfant vagabonde instinctivement d'une action à une autre, sans conscience d'un point de départ et d'arrivée, en s'adaptant à son environnement immédiat et aux trésors inattendus qui lui tombent sous la main. Un morceau de calcaire ou son ombre portée, par exemple.
« La spontanéité est la première base de Ouature. Il n’y avait pas de scénario à part le cheval laissé par son cavalier qui découvrait la voiture. La suite a été écrite avec le concours de la météo, de la rue, du mobilier urbain, des gens que je croisais. »
Dans son film, Paatrice use des principaux trucages propres au cinéma d'animation pour rappeler la spontanéité des jeux d’enfants. Ainsi, le dessin animé image-par- image est un procédé technique qui s'appuie traditionnellement sur quelques principes essentiels tels que la schématisation, la répétition ou la métamorphose.
Sur une surface plane, lisse de préférence, le dessinateur trace des formes plus ou moins précises et légèrement différentes les unes des autres pour reproduire la décomposition d'un mouvement. La succession rapide de ses dessins donne l'illusion d'une action, d'une profondeur de champ plausible et procure accessoirement à celle ou celui qui les manipule un fascinant pouvoir de vie et de destruction. Tant et si bien que le cinéaste-animateur se plaît, dès qu'il en a l'occasion, à intervenir dans son propre film pour influer le cours du récit, retaper ou malmener ses propres personnages, les rappeler à l'ordre s'ils tentent d'échapper à son contrôle. Ce qui arrive régulièrement.
Comme l'ont fait avant lui bon nombre de ses illustres prédécesseurs, Paatrice s'amuse du semblant d'autonomie prêté à ses créatures et dévoile, en guise de clin d'œil complice à ses spectateurs, un peu de ses secrets de prestidigitateurs. Ici, la projection sur le bitume ensoleillé d'une ombre humaine dominatrice réuni et met en abyme deux réalités parallèles : celle des péripéties automobiles dessinées et celle de l'environnement urbain du cinéaste et de son opérateur. L'une d'elles prend-elle seulement le pas sur l'autre à l'écran ?
Sur une surface plane, lisse de préférence, le dessinateur trace des formes plus ou moins précises et légèrement différentes les unes des autres pour reproduire la décomposition d'un mouvement. La succession rapide de ses dessins donne l'illusion d'une action, d'une profondeur de champ plausible et procure accessoirement à celle ou celui qui les manipule un fascinant pouvoir de vie et de destruction. Tant et si bien que le cinéaste-animateur se plaît, dès qu'il en a l'occasion, à intervenir dans son propre film pour influer le cours du récit, retaper ou malmener ses propres personnages, les rappeler à l'ordre s'ils tentent d'échapper à son contrôle. Ce qui arrive régulièrement.
Comme l'ont fait avant lui bon nombre de ses illustres prédécesseurs, Paatrice s'amuse du semblant d'autonomie prêté à ses créatures et dévoile, en guise de clin d'œil complice à ses spectateurs, un peu de ses secrets de prestidigitateurs. Ici, la projection sur le bitume ensoleillé d'une ombre humaine dominatrice réuni et met en abyme deux réalités parallèles : celle des péripéties automobiles dessinées et celle de l'environnement urbain du cinéaste et de son opérateur. L'une d'elles prend-elle seulement le pas sur l'autre à l'écran ?
Dans Ouature, les dessins tracés en grande partie à même le sol colonisent les espaces goudronnés, pavés, souillés, enneigés et se moquent des perturbations causées par ces supports imparfaits. Le réalisateur photographie ses dessins un par un dans une relative immédiateté, rompant ainsi avec la méticuleuse prise de vues d'une chaîne de fabrication en studio. Ce parti-pris de l'approximation assumée renvoie à l'esthétique abîmée des films premiers, laboratoires des débuts du cinéma où toutes les fantaisies semblaient permises en vitesse accélérée. Ouature rejoue l'enfance du cinéma animé, un siècle plus tard, permettant ainsi au spectateur de retrouver des sensations oubliées.
« Nous sommes dans un perpétuel état d’urgence, pas le temps de s’encombrer à écrire, les idées vont trop vite et, une fois mises sur le papier, elle n’ont plus la fraîcheur de nos cerveau en ébullition. »
Jouer à la ouature... Dès le titre, la tonalité humoristique est donnée.Les tracés bruts à la craie sur le bitume ou sur le tableau d'une salle de classe, le graphisme élémentaire uniquement constitué de traits de contours, jusqu'aux paroles minimalistes du groupe Donkey Monkey, qui signe la bande son du film, renvoient à une créativité innée. Sur le terrain de jeu imprévisible de la rue, de véritables émotions parcourent alors le spectateur.
Ouature s'imprègne en cela d'une nostalgie subtile, qui renvoie l’adulte aux joies de l’enfance.
À notre époque, où l’écran tactile règne en maître, retrouver ses sensations oubliées apportent réconfort et sécurité.
« Les gosses de maintenant n’ont plus ce loisir, pourtant extrêmement sain à mes yeux, de dessiner dans la rue. Celui-ci devient même un peu dangereux. Si on regarde bien, il n'y a que des bagnoles autour de nous. Et elles font n’importe quoi, comme dans mon film. »