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Il y a des supers héros qui ne portent pas de capes…

un atelier de programmation sur les handicaps

Du 23 au 26 octobre 2023



Pour la troisième année consécutive, une trentaine de jeunes de la Métropole Rouen Normandie vont durant 4 matinées être les programmateurs d’une séance de courts-métrages sur le thème des handicaps. Pour rappel, les thématiques des années précédentes étaient : les héroïnes féminines au cinéma et la lutte contre les LGBT phobies.

Normandie Images propose donc un atelier de programmation par an à des jeunes accompagnés par des associations, des maisons d’enfants, des services jeunesse du territoire. Ils participent sur la base du volontariat mais s’engagent sur l’ensemble du projet.

LES ÉTAPES DU PROJET

  • un atelier de programmation autour d’un corpus de 13 courts-métrages sur le thème des handicaps les 23, 24, 25, 26 octobre 2023 durant 4 matinées pendant les vacances d’automne.
  • une projection finale de la sélection concoctée par les participants le jeudi 26 octobre 2023 à 19h30 à la suite de l’atelier.

OBJECTIFS

  • Permettre aux jeunes de découvrir des courts-métrages riches et variés grâce à une programmation engagée
  • Leur permettre de se questionner et de s’exprimer sur ce sujet dans un cadre bienveillant
  • Promouvoir les valeurs républicaines, la tolérance, le respect de l'autre dans son identité et dans ses convictions
  • Sensibiliser les jeunes au handicap et à l’accessibilité
  • Donner aux jeunes des clés pour analyser un corpus de films et concevoir collectivement une programmation qui sera donnée à voir à un public
  • Impliquer et valoriser les jeunes dans un projet dont ils seront pleinement acteurs de la programmation à la coanimation de la projection finale

PRÉSENTATION
L’atelier de programmation sur le thème des handicaps s’appuie sur un programme de courts-métrages imaginé par l’association Black maria et repris par L’archipel des lucioles (qui coordonne le dispositif Passeurs d’images au niveau national) en partenariat avec l’association Retour d’images.
Si le cinéma a une « fonction », peut-être est-ce celle d’approcher ce que l’on ne connaît pas, d’entrer dans le processus d’une réalité que l’on n’appréhende pas et d’en sortir bouleversé. De cet apprentissage sensible peut naître une nouvelle façon d’envisager le monde, plus ouverte, plus encline à accepter l’autre sans a priori.
Les personnes atteintes de handicaps, visibles ou non, sont nos semblables, ils sont parcourus de souffrances et d’émotions. Souvent, nous ne prenons pas le temps de les regarder et de les écouter. Les 13 films courts que les jeunes vont découvrir sont autant de regards différents sur les handicaps avec cette volonté de comprendre mieux et d’inclure toujours plus afin que notre société soit plus cohérente et attentive.
Voir le corpus de films : http://leblackmaria.org/kit-handicaps/
L’atelier de programmation sera animé par Florence Guillaume, médiatrice. Lors de cet atelier de programmation, les jeunes seront invités à devenir, le temps d’un atelier, programmateurs d’une séance de cinéma.
Le visionnage des 13 films du corpus permettra l’acquisition de connaissances, de vocabulaire cinématographique, la découverte d’esthétiques, une sensibilisation au handicap et à l’accessibilité. Mais il permettra aussi à chacun de s’affirmer, de prendre du recul, d’échanger avec les autres, de partager ses émotions, d’être valorisé. Chaque jeune au sein du groupe va aiguiser son regard et prendre du recul sur les films, laisser de côté ses goûts personnels au profit d’un regard concerté sur la capacité des films à dialoguer les uns avec les autres. C’est là tout l’enjeu d’un atelier de programmation : Il ne s’agit pas de composer un programme avec des films qui se ressemblent mais au contraire de faire en sorte que les films s’enrichissent les uns les autres.
La première matinée permettra de lancer le projet avec l’intervention de membres de la scop Liesse qui proposeront une sensibilisation sur le thème du handicap auditif. La deuxième et la troisième matinées seront consacrées au visionnage des films, à l’analyse. La quatrième matinée sera dédiée à la constitution d’un programme de 3 à 5 films (en fonction de leur durée) et à la préparation de la co-animation de la projection finale par les jeunes et l'intervenante. La projection du programme de courts-métrage construit par les jeunes sera coanimée par Florence Guillaume et les jeunes qui défendront leurs coups de coeur et leurs idées. Les films seront accessibles aux personnes sourdes et malentendantes grâce au sous-titrage SME. La Scop Liesse assurera la traduction LSF des différents échanges.
Cette projection sera l’aboutissement d’un cheminement et d’une expérience collectifs et formateurs. Cette séance permettra de mobiliser d'autres jeunes parmi l’entourage des participants qui se verront remettre des invitations. Elle sera gratuite et ouverte au public. L’atelier et la projection auront lieu à l’Ariel de Mont-Saint-Aignan.

Première matinée d’atelier
46 jeunes sont présents lors de ce premier rendez-vous, dont 4 jeunes ayant déjà participé à un atelier des années précédentes.
Natacha Hébert de la Scop Liesse, accompagnée d’une traductrice LSF, commence par sensibiliser les jeunes participants au handicap auditif.
L’intervention commence par des questions pour les jeunes : peut-on dire “sourd”, “malentendant”, “devenu sourd”? Oui. Le terme “déficient auditif” est plus utilisé par l’administration et le personnel médical. Peut-on dire que c’est un handicap invisible? Oui. Natacha explique que les personnes sourdes font parfois du bruit sans s’en rendre compte et qu’on les prend souvent pour des personnes étrangères. Natacha insiste sur le fait que chaque sourd est différent car il existe plusieurs types de surdité, de modes de communication et évidemment de personnalités.
Les sourds perçoivent le monde par leurs yeux, c’est important que l’éclairage soit bon pour parler en langue des signes ou bien comprendre la lecture labiale qui est particulièrement fatigante.
Natacha propose une petite expérience sur la lecture labiale en demandant à sa collègue de dire trois mots approchants en faisant juste le mouvement des lèvres sans son, via une webcam qui projette sa bouche sur l’écran du cinéma. C’est vrai qu’il est bien difficile de distinguer les mots “bouton, bouchon et mouton”. Elle nous explique que ça complique les choses quand les gens ont une moustache ou mangent un chewing-gum.
Autre information importante : pour communiquer avec une personne sourde, ce n’est pas la peine de parler fort.
Un nouvel exercice est proposé aux jeunes : mimer des mots d’après des pictogrammes. C’est plus ou moins facile, tout le monde n’est pas forcément à l’aise pour faire des grands mouvements avec son corps, mais les jeunes s’en sortent plutôt pas mal!
Natacha demande ensuite aux jeunes programmateurs s’ils ont des questions. Des mains se lèvent. “Est-ce que vous êtes sourde et muette depuis l’enfance? Comment vous faisiez pour apprendre les poésies à l’école? Pourquoi vous bougez les lèvres quand vous signez? Est-ce que vous sentez les vibrations de la musique?” La réponse à cette dernière question est “Oui, si le sol est en bois, si la musique est forte et basse”, elle ne perçoit pas des instruments comme la flûte traversière ou le violon.
La sensibilisation au handicap auditif se termine par un petit cours sur les mots de politesse et les gestes associés.
Ensuite, l’atelier de programmation commence. Florence Guillaume explique qu’il y a peu d’occasions de voir des cours à moins d’aller au festival, sur Youtube ou dans certains cinémas. Il serait difficile de faire déplacer quelqu’un pour regarder un film de 5 minutes, c’est pour ça que les jeunes vont pouvoir programmer plusieurs courts-métrages. 
Ils vont voir des films très différents les uns des autres : de plusieurs pays, époques, genres, en animation, en prise de vue réelle… 
"Comment vont-ils choisir les films, par le vote?" Non, ils vont débattre et éventuellement voter à la toute fin s’ils hésitent entre deux. Ils pourront choisir les films par rapport au sujet, pour partager une émotion de cinéma, parce qu’ils sont intéressants... Il faudra choisir des films qui disent quelque chose ensemble.
Les films vont leur permettre de s’interroger sur ce qu’est un handicap, sur ce que c’est d’avoir un handicap aujourd’hui.
Les jeunes programmateurs ne vont pas seulement regarder les films en tant que spectateurs, ils vont réfléchir aussi à la façon dont les films sont faits. Dans certains la musique est importante, le rythme peut être plus lent ou plus rapide, il faudra regarder la lumière, les couleurs…
Les premiers films que les jeunes découvrent sont très différents : le premier est un spot réalisé à l’occasion des Jeux paralympiques de Rio "We’re superhumans", il est applaudi par les jeunes, le deuxième est une fiction "Pensée assise".

Atelier de programmation 1
Atelier de programmation 2
Atelier de programmation 3
Atelier de programmation 4
Atelier de programmation 5


Deuxième matinée d’atelier
Les jeunes découvrent 5 nouveaux films. Ils participent beaucoup quand la médiatrice les questionne. Il y a beaucoup d’écoute pendant les films.
Ils regardent "Le p’tit bal" et "Aglaée" puis en discutent. Ils abordent avec Florence le sujet du handicap (présent dans tous les films), les personnages et leur évolution, la musique, le cadrage…
Dans "Le p’tit bal" un accordéoniste joue et dans l'herbe, un jeune couple, assis devant une table, mime avec tendresse et drôlerie les paroles de la chanson "C'était bien" chantée par Bourvil. Leurs gestes, qui ressemblent au langage des signes, racontent l'amour et son émotion. Il est intéressant de le voir après l’intervention sur la surdité la veille.
Le point de départ du film "Aglaée" se passe dans la cour du collège. Benoît perd un pari contre ses copains. Son gage : proposer à Aglaée, une élève handicapée, de sortir avec lui. Les deux personnages évoluent dans le film, ainsi que le rapport sur le handicap d’un d’eux.
Puis ils visionnent "The Three of us" et "Le petit bonhomme de poche". 
"The Three of us" est un documentaire, c’est-à-dire qu’il part des gens, de situations réelles. Le format de l’image carrée permet de renforcer l’intimité et l’étroitesse du logement. Les plans sont fixes. Le son est très présent : oiseaux, radio, TV. Les sous-titrages pour les personnes sourdes et malentendantes permettent de prendre plus conscience des sons, puisqu’ils sont indiqués.  C’est un film qui n’est pas misérabiliste car la personne polyhandicapée sourit très souvent. Un jeune dit que "Sa mère s’occupe bien de lui".
"Le petit bonhomme de poche" est un film d’animation. Un personnage souffre d’être trop petit, différent. Il va finalement servir de guide à un aveugle en étant dans sa poche et en voyant le monde plus haut. Les deux personnages sont complémentaires.
Le dernier film est "Ortho" un documentaire d’animation sur la dyslexie. Les témoignages d’enfants ont été enregistrés par la réalisatrice. Le dessin permet de montrer plus facilement leur ressenti car tout est possible en animation. Les personnages sont bleus comme la couleur de l’encre du stylo plume. Quand ils n’arrivent pas à écrire et "coulent" l’encre bave nous faisant sentir leur désarroi.

Troisième matinée d’atelier
Pour démarrer la séance, Florence explique que c’est une belle opportunité de présenter des films lors de la projection de jeudi soir. Les personnes qui les présentent portent la voix de tous puisque le choix de programmation s’est fait collectivement. Elle leur demande si parmi les 7 films, certains se dégagent, si les jeunes voient déjà des liens entre eux. Le fait de voir les films sur 3 matinées permet de prendre du recul.
Deux premiers films sont visionnés ce matin. "The present" est un film d’animation en images de synthèse et "L’amour bègue" est une fiction en prise de vue réelle.
Un lien est fait entre “Le petit bonhomme de poche” vu la veille et “The present” car une rencontre entre deux personnages va les aider à mieux accepter leur handicap.
Le personnage principal de “L’amour bègue” est bègue. Le bégaiement pose des problèmes de communication, comme le disent certains participants c’est un souci pour trouver du travail. Ça ressemble à un autre handicap visible, la dyslexie, vue dans le film “Ortho!”, mais qui empêche de communiquer par écrit. Certaines situations accentuent le bégaiement. Le personnage assume son bégaiement et entre en relation avec les autres malgré tout.
Les trois films suivants sont “Orgesticulanismus” un film d’animation documentaire, “Y’a basta!” est un film de fiction tourné avec des personnes handicapées et “Mon petit frère de la lune”, film d’animation documentaire sur l’autisme.
Suite à ces dernières projections, Florence revient sur les 3 films. "Orgesticulanismus" est un film un peu « difficile » que les jeunes ont eu du mal à décrire. L’animation ne correspond pas aux standards habituels. Néanmoins ils ont perçu qu’il était l’expression de la vie intérieure du père du réalisateur. “Y’a Basta!” a interpellé les jeunes par son aspect « brut », ils ont aimé le côté film de braquage et évoqué La Casa de Papel. "Mon petit frère de la lune" a beaucoup ému les jeunes, principalement car c’est la voix d’une petite fille qui s’exprime sur sa relation avec son frère. Un jeune a évoqué l’aspect dessiné qui ressemble a des dessins d’enfants, et la relation entre le frère et la soeur les ont touchés. 
Suite à ces derniers échanges « individuels » sur les films, Florence demande aux jeunes quel a été leur film préféré : quasiment tous les films de la programmation sont cités par au moins un des participants. Cela permet de comprendre l’importance des discussions et de la réflexion pour constituer la séance finale, puisque certains films ne pourront pas être diffusés !
Florence évoque la nécessité de faire émerger des liens et des thèmes. Les jeunes évoquent par exemple les films qui traitent d’une difficulté de communication (Ortho et L’Amour bègue), d’autres parlent de ceux qui évoquent le handicap et l’enfance (Mon petit frère de la Lune et Ortho), d’autres encore parlent des compétences extraordinaires (We are superhumans et The Three of us). 
Pour la dernière demi-heure de cet atelier, Florence propose de commencer à aborder la « pratique » et demande si des volontaires veulent venir tenter de présenter un film. 6 jeunes passent et se confrontent pour un premier essai au fait de parler dans un micro. Ils tentent de trouver les informations qui semblent essentielles à transmettre au public avant la projection. 
La séance du jour s’achève, et le rendez-vous est donné le lendemain pour concrétiser les idées amorcées pendant cette matinée et construire entièrement la séance qui sera présentée au public le lendemain soir.

Quatrième matinée
Les jeunes commencent par énumérer les différentes thématiques qui se dégagent de la programmation et les films qui s’y rapportent : 

  • l’enfance : Mon petit frère de la lune, Ortho!, Le petit bonhomme de poche, The present, 
  • les relations amoureuses, les rencontres : Aglaée, L’amour bègue, Pensée assise, Le p’tit bal, 
  • le mouvement : We’re super humans, Orgesticulanismus, The three of us, 
  • les corps "extraordinaires" : The present, Aglaée, The three of us, 
  • la musique : Le p’tit bal, Orgesticulanismus, We’re superhumans
  • le langage et la communication : Ortho!, L’amour bègue, Le p’tit bal, Mon petit frère de la lune, Le petit bonhomme de poche
  • le fonctionnement cérébral : Y’a basta, Mon petit frère de la lune, Ortho!, Orgesticulanismus, L’amour bègue.

Selon le choix qui sera fait, la séance ne sera pas du tout la même. Tout le monde participe et propose ses idées. 19 jeunes veulent choisir le thème "enfance" et 19 pour langage/communication (il est possible de voter deux fois), c’est serré! Les autres sont éliminés. La première série durerait 40 minutes, la deuxième 1h.
Après un nouvel échange sur les films, la thématique choisie est "langage et communication", qui permet de montrer des films plus variés et pas que des films d’animation comme dans l’autre thème.
Il faut à présent choisir l’ordre des films : en fonction de leur durée, de leurs différences ou ressemblances, de leur rythme.
Après une petite pause, il est proposé aux jeunes de découvrir le film "La vie en rose" réalisé par des jeunes sourds, malentendants et entendants dans le cadre d’un atelier d’éducation aux images en 2019. Le film est applaudi.
Gabin, Paula, Suzanne, Mila-Rose, Louanne, Timéo se proposent pour présenter l’atelier et chacun un film lors de la projection du soir. Ils s’entraînent devant le groupe pour se familiariser avec l’exercice. Ils reviennent sur scène après la séance pour répondre aux questions du public.
Pour finir les jeunes programmateurs doivent définir le titre de la séance, ce sera “Communiquer autrement”.

La projection finale
108 personnes ont assisté à la projection et découvert la programmation des jeunes. Un groupe de jeunes est même venu de Fécamp! Chaque film a été copieusement applaudi confortant les programmateurs dans leurs choix. La séance était totalement accessible aux personnes sourdes et malentendantes grâce aux versions sous-titrées des films et à la traduction en langue des signes française des échanges avec le public.
La séance a suscité beaucoup d’émotion, des personnes se reconnaissant dans certains films. Un monsieur a expliqué qu’il était dyslexique et dyspraxique et qu’il a fini par trouver une formule pour expliquer son handicap à son entourage: “C’est comme donner un cours de français en arable avec des gants de boxe”. Il insiste sur le fait qu’on peut réussir professionnellement et réussir dans sa vie même en étant dyslexique, dysorthographique et bègue. Un des jeunes programmateurs s’exprime aussi, il est dyspraxique, dyslexique et dysorthographique. Le film "Ortho!" lui rappelle son enfance mais il dit que ça va mieux car il a pu “tout corriger même si des fois, il y a des restes”.
Il y a eu de nombreux échanges entre le public et les jeunes sur leurs choix de programmation. 
La soirée s’est terminée par un pot convivial et certaines personnes ont rempli le livre d’or. Une professionnelle de la Résidence Séraphine a écrit "Merci pour ces moments d’émotion. Des choix pertinents et parlants. Bravo aux jeunes".
Pour conclure, 35 à 45 jeunes ont participé à chaque séance, soit 53 jeunes différents, on peut dire que l’atelier est une réussite!
Les structures ou services partenaires : les services jeunesse des ville de Mont-Saint-Aignan, Elbeuf, Rouen, les associations Mix’cités, Espoir Jeunes, le Secours populaire, la Fraternité, l’Unité Éducative d’Accueil de Jour (structure de la protection judiciaire de la jeunesse).

Atelier de programmation 7
Atelier de programmation 8
Atelier de programmation 9
Atelier de programmation 10
Atelier de programmation 11

Ce projet est porté par Normandie images (dispositif Passeurs d’images), soutenu par le Département de Seine-Maritime, la ville de Rouen et la Ville de Mont-Saint-Aignan.
La ville de Mont-Saint-Aignan met à disposition le cinéma Ariel grâcieusement sur 4 matinées dans le cadre d’une convention triennale.