Bien sur l’animation existe avant Bowers : on connaît les travaux de Georges Melies (le voyage dans la lune 1902), d’Emile Cohl (Fantasmagorie 1908) ou encore de Wonsor Mac-Cay (Little Nemo 1910)

Mais Charley Bowers l’a bouleversé avec des films remarquables de maîtrise et de créativité. Sa spécificité est de marier prises de vues réelles, animation et burlesque.

Sa biographie est fantaisiste car souvent tributaire de ses propres dires. Il serait né en 1889, à Cresco (Iowa), d’une comtesse française et d’un médecin Irlandais. Il aurait ensuite été enlevé par un directeur de cirque avant d’être retrouvé miraculeusement par un oncle.

Il est certain que Bowers a passé une partie de sa jeunesse sous un chapiteau, notamment comme funambule et dresseur de chevaux. A cause d’une blessure, il se tourne ensuite vers le théâtre. Il est à la fois comédien, régisseur, créateur de costumes et de décors avant de devenir caricaturiste de presse.

C’est en cette année 1912 que Charley Bowers se lance dans le cinéma d’animation. Il réalise ainsi une centaine d’épisodes de Pim Pam Poum (The Katzebjammer Kids), transposition animée de la bande dessinées de Rudolph Dirks.

Il fonde ensuite une société destinée à produire des dessins animés autour de Mutt and Jeff dont il réalisera près de 300 épisodes.

Cette série est représentative des dessins animés américains de l’époque : les animated cartoons, qui sont tous des adaptations de bandes dessinées.

Ainsi, les dialogues sont présentés dans des bulles s’inscrivant à l’image. Le traitement graphique est sommaire, seul le contour des personnages et des décors étant tracé. Mais l’animation image par image de dessins photographiés est prometteuse.

Ses connaissances techniques en animation lui permettent d’élaborer un procédé faisant coexister vues réelles et animation, personnes humaines et objets animés. Il tournera avec ce procédé une vingtaine de courts métrages entre 1924 et 1930, dont Egged On (Pour épater les poules).

A l’instar de Chaplin ou Keaton, Bowers se crée un personnage, double récurrent, qui lui permet de mettre les effets spéciaux au service d’inventions extravagantes. Bricolo est maître dans la fabrication de machines extraordinaires qui produisent des choses invraisemblables : rendre les œufs incassables par exemple...

Techniquement, ses films sont eux même de vrais prouesses: le délié de l'animation image par image, la justesse des mouvements des objets animés laissent pantois.

La confection d’une poupée par une main gantée dans A Wild Roomer, la poupée devenant ensuite vivante, est un sommet d’émotion et de poésie.

L’humour de Bowers joue sur l’insolite et le côté fabuleux de ses inventions est en lui-même porteur de poésie.

Mais, bien que salué par la critique, Bowers demeure pratiquement inconnu du grand public.

Comme pour Chaplin/Charlot, Malec/Keaton, Bowers fut distribué en France sous le nom de Bricolo.

Transformer la nature pour mieux l’exploiter grâce au modernisme et son rationalisme technique : c’est là une certaine image du Self Made Man Américain où tout le monde peut réussir, au besoin en s’opposant à l’ordre du monde. Pour gagner de l’argent pour se marier et pour faire fortune tous les moyens sont bons...

La machine de Bricolo est un assemblage d’éléments disparates dont le voisinage fait sens et transforme le réel.
Faites d’une multitude de rouages, elle représente la pensée en marche.
Cette idée du bricoleur inventeur seul et génial va nourrir tout un cinéma comique héritier du burlesque (voir les innombrables assemblages de Coyote pour capturer le Bip-Bip…)

Dans ce joli travail d’animation surréaliste, les œufs couvés par la voiture donnent naissance à de petites voitures. La technique devient animal. Le croisement du vivant et de la machine donne une nouvelle espèce.
Il y a aussi transfert de comportements puisque la voiture prend ses petits sous son aile comme le ferait une poule.
La suite est logique : une poule qui picore un produit industriel (de la dynamite) pond donc des oeufs explosifs car dénaturés.
Cette manipulation outrancière de la nature est "logiquement" vouée à l’échec.