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UNE POSSIBLE LECTURE SOCIALE DU FILM

Une première lecture du film nous renvoie de manière évidente à une approche sociale du Tableau : on y rencontre en effet une société basée sur la discrimination.
« Possible lecture » puisque, sans la réfuter, Laguionie lui même ne la valide pas totalement : « Le tableau n’est pas (…) un film sur la cause du peuple. (…) Je suis conscient de la grille de lecture marxiste Toupins = riches, Pafinis = pauvres, reufs = sans papiers… C’est un niveau de lecture que je respecte tout à fait mais je suis très attaché à l’histoire d’amour »( cf dossier pédagogique en page 3)

Néanmoins, tout nous pousse à explorer cette lecture sociale que les élèves, même les plus jeunes, relèveront rapidement.

Nous tenterons dans le même temps de voir en quoi « la classe sociale » des personnages détermine leur comportement et comment le peintre a pu leur insuffler graphiquement une personnalité propre.
Nous examinerons enfin comment la composition sociale du tableau peut être considérée comme reflétant les différentes étapes de la création picturale : du Reuf au Toupin en passant par le Pafini.
Regardons ce photogramme extrait de la première scène du film. Lola nous présente le monde du tableau. Le monologue de Lola nous renseigne sur ses habitants. Il permet également à notre regard de se familiariser avec la toile, sa composition, son éclairage…

En haut, la lumière et en bas l’obscur :

Les couleurs vives et claires sont vite repérables : elles sont en hauteur et semblent illuminer l’ensemble. C’est le domaine des Toupins.
Les Toupins vivent dans ce château plein de lumières qui symbolise le pouvoir.

On pourrait rapprocher les Toupins de l’aristocratie. Ils sont habillés de très beaux vêtements. Il ne leur manque aucun détail. Ils se considèrent donc comme « achevés » (accomplis) et de ce fait supérieurs à ceux qui ne le sont pas.
Ils sont les maîtres d’une société où la moindre différence condamne l’individu. La justification en est simple : le monde est comme cela parce que le peintre l’a voulu ainsi.

Le premier représentant de cette société est le Grand chandelier : ses proportions révèlent sa suffisance et ses certitudes.
Son visage et sa morphologie pourraient êtres rapprochés des caricatures que Daumier fit de Louis-Philippe, transformé en poire, pendant la monarchie de Juillet.
Le grand Chandelier est conseillé par une « éminence grise » : le terne et bien nommé Monsieur Gris.
Mais il existe aussi des Toupins plus tolérants avec les Pafinis. C’est le cas de Ramo.
Il veut retrouver le peintre pour l‘amour d’une Pafinie : si le peintre acceptait de « coloriser » le visage de Claire et de terminer son travail, l’harmonie reviendra au sein du tableau.

Pourtant, dès qu’il s’agit des Reufs, Ramo est rattrapé par sa notion de classe. Ainsi, il ne s’adresse jamais à Plume ou alors sur un ton très condescendant.
Outré par le discours de ses semblables envers les Pafinis, il reproduit inconsciemment le même schéma avec les Reufs.
Graphiquement, Ramo possède des traits accentués : ils sont censés montrer détermination et audace.
Les Pafinis ne vivent pas au château mais dans des cabanes, dans le jardin, en lisière de la forêt.
Certains tentent toutefois encore d’être admis par les Toupains, quand d’autres ont des envies de révoltes.
« Pas finis », ils semblent paradoxalement avoir plus de libertés et de spontanéité que les Toupains.

C’est forcément le cas de Claire que l’on vient d’évoquer : son amour pour Ramo est le symbole du défi lancé à l’ordre social.