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LA MUSIQUE POUR DÉFINIR UN GENRE AU CINÉMA : LA COMÉDIE MUSICALE

Deux films de la programmation, Chantons sous la pluie et Le Magicien d’Oz, figurent parmi les plus connus de l’histoire du cinéma, et qui définissent à eux seuls un genre : la comédie musicale. Les « musicals », d’après leur nom, trouveraient donc leur raison d’être dans la musique. Si effectivement la tradition populaire a conservé de ces deux films des chansons emblématiques (Over the Rainbow, Singin’ in the Rain…), ce n’était pourtant pas l’intention première des auteurs.
Et c’est là un paradoxe tout à fait remarquable. En effet, l’un et l’autre sont avant tout des films de producteurs, qui ont opté pour des stratégies différentes de production — et de vente.

Pour le premier, Le Magicien d’Oz, l’argument-choc du film est la couleur, grâce à l’innovation du Technicolor.
Cette séquence marque l’arrivée de Dorothy au pays d’Oz, et le passage à la couleur. Il faut noter ici que la couleur au cinéma a longtemps été vouée à exprimer la fantaisie, la légèreté : il faudra attendre les années 1960 pour des films « sérieux » s’emparent de la couleur. Non pas parce que le procédé était inconnu ou inaccessible, mais parce que le réalisme se devait d’être traduit à l’écran par le noir et blanc. Cette perception de la réalité, étonnante pour nous peut-être, explique l’irruption de la couleur dans le Magicien d’Oz. Sa présence est justifiée par le caractère merveilleux du pays d’Oz, contrairement au monde réel, le Kansas dont vient Dorothy, qui échappe à la couleur.

Pour le second, Chantons sous la Pluie, c’est la performance physique des danseurs qui est mise en avant. D’ailleurs, toutes les chansons du film existaient déjà, et étaient pour la plupart de grands standards du répertoire populaire. La chanson-titre était bien connue du public américain, et avait déjà été portée à l’écran en 1929 — 23 ans avant le film.
Ce film fait partie des « revues », fréquentes dans les premières années du cinéma parlant. Si ces films nous étonnent, ils préfigurent pourtant ce qu’on appelle aujourd’hui les blockbusters. Leur principe était le suivant : réunir à l’image les grandes vedettes, qui mettent leurs talents en valeur en réalisant des numéros. Les Big Five, principales sociétés de production américaines, dont la MGM fait partie, ont toutes produit dans ces années-là ce type de film avec les stars de leurs écuries respectives. Ici, le titre Singin’ in the Rain est interprété par Ukelele Ike, de son nom de son scène, vedette de l’époque qui sera 11 ans plus tard la voix de Jiminy Cricket dans Pinocchio.
L’innovation de Chantons sous la pluie ne tient donc pas dans la musique, mais bien dans la danse. La séquence-titre du film est très loin de la captation type « cabaret » de la Hollywood Review de 1929. C’est un spectacle produit pour ses numéros de danse. La performance de Gene Kelly est éloquente : la chorégraphie est conçue sur-mesure pour être filmée, pour exploiter tout le potentiel de la caméra et de ses mouvements…
Ce sont pourtant bien les airs de musique emblématiques qui ont ancré ces films dans les mémoires, et contribué à instituer le genre de la comédie musicale ! C’est donc davantage la réception du public qui fait émerger ce genre, plutôt que les intentions premières des producteurs.
La culture populaire ne s’y trompe pas. Les chansons des deux films ont fait l’objet d’une multitude de reprises et de détournements. Les cinéastes s’en emparent, comme Stanley Kubrick dans Orange Mécanique. La publicité n’est pas en reste. Par exemple, Singin’ in the Rain et sa chorégraphie sont repris en 2003 par Citroën, tout comme l’air de Make ’Em Laugh et la performance de Donald O’Connor dans les années 1980 pour les matelas Mérinos…
Orange Mécanique
Chantons sous la pluie