Dans cet extrait (La Tortue Rouge), la musique est-elle simplement illustrative ? La séquence est construite en deux temps. Le premier s’avère plutôt illustratif : lancinant, montant en crescendo à mesure que la vague approche. Puis, un bref silence au moment où elle s’abat sur l’île et l’apparition d’un nouveau thème musical qui semble en contrepoint de l’image. Dramatique, lyrique, chanté, il se détache à peine du vacarme de la destruction.
Comment l’expliquer ? Voici peut-être une proposition. Ici, la musique semble « en avance » sur l’image : plutôt douce et mélancolique alors que la séquence porte une violence intense, elle semble décrire le monde « d’après » le tsunami. Elle anticipe le propos du film, comme si elle portait en fait la voix d’un narrateur omniscient.
Cette voix narrative constitue une autre fonction essentielle de la musique au cinéma, bien que plus discrète que la première. C’est celle qui joue en contrepoints, en nuances — en silences, aussi. Le spectateur attentif y trouvera souvent les clés de lecture d’une œuvre.
Dans le cinéma de Jacques Tati, la musique joue en général ce rôle précis et méticuleux, comme tous les autres éléments de mise en scène, d’ailleurs.