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Bienvenue au Cinéma

le cinéma s’invite au Centre de détention de Val-de-Reuil !

Un cycle de 6 projections rencontres avec les personnes détenues


Mai à juin 2022

Mélanie Leblanc, enseignante en cinéma et poétesse, accompagne ces séances de cinéma. Après chaque projection, elle propose un échange autour du film, l’occasion de vivre des débats animés lors d’un rendez-vous convivial et de plaisir, un espace de parole où chacun peut s’exprimer.

Séance du 13 mai 2022 : Neftah football club, Bad gones, Hopptornet, Fierrot le pou et Beach flags

Lors de la première séance, 5 courts métrages autour de la thématique du sport ont été projetés.
La séance a donné lieu à des échanges intéressants, argumentés, où les participants ont défendu leur propre point de vue sur chaque court métrage. Mélanie Leblanc a apporté un éclairage technique et une analyse filmique, toujours en prenant soin de laisser s’exprimer d’abord les participants, elle vient compléter leur propre analyse filmique souvent riche.

La séance a aussi été l’occasion pour certains participants de s'identifier aux personnages des courts métrages comme pour le film Bad gones où un père ne peut payer une place de football, beaucoup trop chère, à son fils pour aller voir l’Olympique Lyonnais. Un participant s’est identifié à ce personnage de père, s’est confié à l’auditoire car cela lui a rappelé ses propres enfants… Moment fort. La séance de cinéma est donc aussi un moment pour vivre ensemble des émotions à travers les films projetés, pour en parler, les accepter et mieux les vivre, c’est LA fonction première, cathartique, du cinéma !

Séance du 27 mai 2022 : Les combattants de Thomas Cailley

Les 22 participants présents s’investissent de plus en plus, l’un d’entre eux a même fait une proposition de court-métrage suite à la séance précédente qui lui avait bien plu, il a proposé Je suis ton père de Justine Le Pottier (2020, comédie).
Les combattants de Thomas Cailley a suscité des débats riches autour de la naissance d’un amour entre deux personnages que tout oppose au départ, du sexisme dans l’armée et de la quête initiatique des deux personnages principaux du film où comment un individu peut changer et mûrir lorsqu’il est confronté à des situations périlleuses.
La parole a bien circulé et plus un participant donnait son avis, plus les autres voulaient donner le leur! Les participants ont bien senti que chaque avis comptait et était pris en compte par l’intervenante Mélanie Leblanc qui crée “un ping-pong verbal” stimulant reliant les différentes interventions des participants entre elles. L’échange est réciproque, ils l’ont bien compris et se sentent en confiance pour échanger sur le cinéma et les thématiques des films.
Même après les débats, certains participants continuent d’échanger en aparté avec Mélanie et Samuel, le coordinateur culturel, pour exprimer leur ressenti ou approfondir leurs réflexions sur le film, signe que la séance de cinéma est génératrice d’émotions !

Séance du 3 juin 2022 : Les lumières de la ville  de Charlie Chaplin

26 participants étaient présents à cette séance et la majorité d’entre eux revient chaque vendredi, le rendez-vous est installé !
En début de séance, Mélanie Leblanc rappelle le contexte historique dans lequel le film a été tourné, elle instille aussi un "teasing" qui marche bien avec les participants : à un "pourquoi ?", elle répond "vous allez voir dans le film !", l’attention au film sera plus forte.
La séance a été l’occasion de débattre autour de la thématique du son dans un film et comment Chaplin utilise une panoplie de sons pour illustrer une idée, une critique de la société. Les participants ont analysé trois séquences en particulier, dont celle du quiproquo de la rencontre entre Charlot et la jeune fille aveugle dans la rue, qui est au cœur du film. Ils comprennent que le sens du toucher, dans le film, prime sur la vue et qu’on peut en fait, voir en touchant. C’est la scène de combat de boxe de Charlot sur le ring qui a déclenché le plus de rires dans la salle !
Après analyses et débats, les participants appuyés par Mélanie, arrivent à la conclusion que Chaplin critique l’arrivée du cinéma parlant de façon drôle et piquante grâce à ce film muet “sonore”. Ils ont pu constater qu’un même film peut à la fois toucher, émouvoir et surtout faire rire.

Séance du 24 juin : La Vraie famille de Fabien Gorgeart en présence du producteur Jean Des Forêts

Les participants habituels sont toujours au rendez-vous, 23 sont venus assister à cette séance un peu particulière car le producteur du film Jean Des Forêts était présent, ainsi qu’Anne-Sophie Charpy, chargée de mission pour le dispositif Passeurs d’Images chez Normandie Images. La séance était animée par Gabrielle Masson, médiatrice spécialiste du cinéma.
Le film à peine terminé, des applaudissements ont spontanément éclaté dans la salle, ce qui n’était pas arrivé dans les précédentes séances pour les autres films. Les participants sont touchés. Ils posent des questions sur les conditions d’accueil des familles et l’un d’entre eux parle du caractère parfois un peu “inhumain” des décisions de justice mais Anne-Sophie donne son témoignage, son expérience professionnelle passée de l’aide sociale à l’enfance et rappelle que la justice protège les enfants en priorité.
Un autre participant parle de son expérience similaire à celle de l’enfant du film, il pense que ces situations peuvent laisser des séquelles à vie.
D’autres participants posent des questions sur le métier de producteur et Jean leur explique que selon lui, aucun producteur n’est le même dans son approche du métier, chaque producteur a sa propre définition du métier, il leur a livré la sienne. D’autres questions fusent à propos du financement d’un film, sur les coûts ou comment se passe un tournage avec des enfants.
Gabrielle leur a aussi expliqué le circuit de distribution et de diffusion d’un film.

Séance du 08 juillet : Au-dessus d’en haut de Luc Piednoir

15 participants étaient présents à cette séance et Pascal Dordain, président de l’association “Les Petites Mains” à l’origine du film est venu pour en parler. Cette séance a été une des plus riches en débats.
Tout d’abord, avec cette séance, un changement de genre de film a lieu, le passage de la fiction des séances précédentes au documentaire. Pascal commence par expliquer aux participants la genèse du projet et la naissance de ce documentaire. Il leur parle de l’importance de l’image du personnage clown envers le public et le résume ainsi : “le plus petit des costumes fait le plus grand rapprochement".
Un des participants demande si le spectacle des clowns a été adapté pour le Népal, Pascal répond que le langage du corps est universel ainsi que les gags visuels. Il souligne que le spectacle vivant, ce n’est jamais le même spectacle qui se joue car ce n’est jamais le même public.

Un débat sur la notion de pauvreté et de misère s’ouvre : un participant ayant des origines d’Amazonie déclare que "les gens d’Amazonie sont très heureux sans avoir internet ou quelconque technologie" et Pascal lui répond que "les enfants népalais sont très heureux aussi mais que l’accès à l’éducation par exemple reste très difficile".
Un participant pose la question de la définition du mot "misère", pour Pascal, la définition de la misère dépend de notre regard et pour lui c’est surtout le très difficile accès aux soins et à l’éducation.
Un débat sur l’interventionnisme humanitaire et le regard occidental s’ensuit, Pascal insiste sur le fait qu’ils ne viennent pas apporter leur culture occidentale au Népal mais juste apporter des sourires de clowns.

D’un point de vue plus cinématographique, Mélanie souligne la frontière du réel entre documentaire et fiction car n’importe quel film est subjectif, la caméra porte un regard même dans un documentaire. Elle montre aux participants que le dispositif caméra-micro est aussi impactant que dans la fiction et qu’une porosité des genres entre fiction et documentaire peut parfois exister.
Un participant demande si on peut parler de personnages dans un documentaire : Mélanie répond que lorsqu’ils sont filmés, Julie et Jérôme (les deux clowns) deviennent des personnages même s’ils existent vraiment dans la vie.

Séance du 15 juillet : Diamantino de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt

Diamantino est un film très étrange. Inclassable. C’est justement ce qui fait son intérêt. Non seulement ce film a permis d’évoquer les genres au cinéma, mais aussi de questionner le mélange des genres dans un même film. La question du genre cinématographique s’est ensuite déplacée sur la question de l’identité de genre. En effet, le personnage principal, directement inspiré du joueur de foot Ronaldo, est cloné par un parti d’extrême-droite pour créer une équipe de foot invincible. Or cette opération déclenche chez lui des bouleversements hormonaux. C’est un personnage de candide, au cœur pur, le fait qu’il ait en charge la narration via la voix off, ce que les participants ont remarqué spontanément, permet d’observer avec un regard neuf des problématiques contemporaines comme la question des migrants et de la montée de l’extrême-droite. Ces questions ont également interpellé les participants. Certains ont trouvé que c’était trop caricatural, alors Mélanie Leblanc leur a proposé de regarder un bonus du dvd dans lequel le réalisateur montre qu’il a repris exactement les mêmes codes que dans un film de propagande pour le Brexit. En regardant de nouveau avec les participants la séquence d’ouverture, ils ont souligné l’emploi du football comme opium du peuple.

Ces séances de cinéma ont plu aux participants, ils ont trouvé ces moments de cinéma, de partage, de débats enrichissants dans l’ensemble et ils aimeraient en avoir d’autres prochainement.

À la fin du projet, Mélanie Leblanc, a publié un très beau texte sur sa page Facebook, que nous vous partageons avec son aimable autorisation :

"Quand je parle de cinéma avec les détenus, j’oublie tout, les portes les alarmes, l’enfermement - je suis face à des personnes et on cherche, ensemble. C’est passionnant. Aucune pose de leur part, aucune facilité, mais une pensée exigeante, qui nous emmène loin. 

C’est la fin qui est rude. Quand ceux qui souhaitent encore discuter sont rappelés à l’ordre pour regagner leur cellule. Quand je franchis les multiples portes. Retrouve le ciel, le soleil. Alors qu’ils restent enfermés. 

Aujourd’hui, avec ce soleil d’été, j’ai pensé au cheval qui descend dans la mine, dans Germinal. Bataille, le vieux cheval qui n’est pas remonté à la surface depuis dix ans, s’approche alors pour le sentir : 

« Il lui trouvait sans doute la bonne odeur du grand air, l'odeur oubliée du soleil dans les herbes. Et il éclata tout à coup d'un hennissement sonore, d'une musique d'allégresse, où il semblait y avoir l'attendrissement d'un sanglot. C'était la bienvenue, la joie de ces choses anciennes dont une bouffée lui arrivait, la mélancolie de ce prisonnier de plus qui ne remonterait que mort. » (Émile Zola)".

Ces séances ont lieu dans le cadre d’un partenariat entre le Centre de détention de Val-de-Reuil et Normandie Images dans le cadre du dispositif Culture-Justice.

Ce projet est soutenu par le Ministère de la Culture - Direction régionale des affaires culturelles de Normandie, la Région Normandie et par le Ministère de la Justice - Direction interrégionale des services pénitentiaires de Rennes/SPIP de l’Eure dans le cadre du protocole régional Culture/Justice 2021-2022.