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Max et les Maximonstres

MAX ET LES MAXIMONSTRES

UNE ADAPTATION CINÉMATOGRAPHIQUE, DÉFINITION ACADÉMIQUE.

Where the Wild Things are de Spike Jonze (16 décembre 2009), traduit en français par Max et les Maximonstres, est une adaptation d’un grand classique de littérature jeunesse de Maurice Sendak, du même titre, paru en 1963. Les deux auteurs ont longtemps correspondu avant le tournage qui s’est déroulé à Melbourne, en Australie, et qui révéla le jeune Max Records âgé alors de 9 ans.
Illustration de Where the Wild Things are de Maurice Sendak, qui représente la grande fête organisée par Max après son arrivée sur l’île.

Illustration de Where the Wild Things are de Maurice Sendak, qui représente la grande fête organisée par Max après son arrivée sur l’île.

Illustration de Where the Wild Things are de Maurice Sendak, qui représente la grande fête organisée par Max après son arrivée sur l’île.
On parle d’adaptation cinématographique à propos de films dont le scénario est inspiré d’une œuvre préexistante. Néanmoins, l’adaptation est avant tout une réécriture, une interprétation personnelle et nouvelle du texte initial, comme l’atteste cet extrait d’une interview de Spike Jonze : « le plus important pour moi était de réussir à capturer l’essence et le ton véritable du livre. Ou du moins, ce qu’il était pour moi… ».
Le film est donc un nouvel objet qui repose sur le passage du langage littéraire au langage cinématographique. Dans Max et les Maximonstres, on passe d’une œuvre illustrée d’environ 100 mots à un film d’une durée d’1h40. Dans ce cas, on parle de logique d’amplification.
Analyser une adaptation ne revient donc pas à évaluer le degré de fidélité ou d’écart par rapport à l’œuvre de départ, source d’inspiration. Par exemple, Spike Jonze a été transporté par le caractère poétique de l’album : « le livre se lit comme un poème. Il est très évocateur. Il n’y a que vingt phrases mais beaucoup d’émotions. Pour moi, c’est un poème. » déclare-t-il dans une interview.
Affiche du film Max et les Maximonstres (2009)

Affiche du film Max et les Maximonstres (2009)

Affiche du film Max et les Maximonstres (2009)

LA RENCONTRE DE DEUX AUTEURS : MAURICE SENDAK (1928-2012) ET…

Les deux auteurs ont longtemps correspondu avant le tournage (pendant une dizaine d’années).
Maurice Sendak

Maurice Sendak

Maurice Sendak
Maurice Sendak est l’un des plus grands auteurs de la littérature jeunesse du XXème siècle. Cet auteur-illustrateur de contes pour enfants est né à Brooklin le 10 juin 1928. Il est originaire d’une famille d’immigrants-juifs-polonais, dont certains membres ont été victimes de l’Holocauste. Sa carrière est très diverse : auteur, illustrateur, mais aussi affichiste, auteur de campagnes publicitaires et créateurs de décors de théâtre et d’opéra (voir Le Maxilivre hommage à Maurice Sendak). En 1963, il rencontre un succès international avec Where the Wild Things are, œuvre traduite en de nombreuses langues et adaptée plusieurs fois au cinéma (courts-métrages d’animation) et en opéra en 1979. En 1970, il reçoit la Médaille internationale de Hans Christian Andersen (le Prix Nobel de la littérature enfantine).

… ET SPIKE JONZE

Spike Jonze est un réalisateur, scénariste et producteur américain né à Rockville aux États-Unis en octobre 1969. Il a d’abord commencé sa carrière en réalisant des spots publicitaires, des courts-métrages et des clips : It’s oh so quiet de la chanteuse Björk en 1995, Da Funk de Daft Punk en 1997, Electrobank des Chemical Brothers en 1997. En 1999, il réalise son premier long métrage : Dans la peau de John Malkovich. Ce film remporte trois nominations aux Oscars en 2000, dont celui du Meilleur réalisateur. En 2009, il se lance dans l’adaptation de Where the wild things are de Maurice Sendak. En 2013, il signe une comédie dramatique Her portée par Joachim Phoenix. Celle-ci remporte le Golden Globe et l’Oscar 2014 du Meilleur scénario original.
Spike Jonze

Spike Jonze

Spike Jonze

WHERE THE WILD THINGS ARE DE MAURICE SENDAK (1963) : UNE ŒUVRE ICONOCLASTE ET CONTROVERSÉE.

Judy Taylor, éditrice anglaise de Maurice Sendak a été chargée de présenter Max et les Maximonstres au public britannique. Elle relate les premières réceptions de l’œuvre : « J’eus un véritable coup de foudre pour les aventures de Max, mais il me fallut un certain temps (et de nombreuses discussions sérieuses) avant de pouvoir convaincre mes collègues que cet ouvrage n’allait pas terrifier tous les enfants de Commonwealth. ».

Les controverses naissent à cause du caractère transgressif de l’album : les codes habituels de la littérature jeunesse sont bouleversés. D’une part, la représentation de monstres terrifiants aux dents pointues interpelle. D’autre part, le sujet même — l’exploration de la part sombre de l’enfance et de l’imaginaire — déstabilise le lectorat. En prenant le contre-pied de la littérature moralisatrice de l’époque, où le personnage a vocation de montrer l’exemple, l’œuvre fait polémique. Par exemple, les psychanalystes Françoise Dolto et Bruno Bettelheim déconseillent l’album. De l’autre côté, des éditeurs saisissent la puissance cathartique du voyage de Max : « les lecteurs adorent le côté turbulent de Max, la forte stylisation des monstres, la poésie de l’écriture sendakienne, la façon dont les illustrations débordent de la page pour glisser vers la suivante […]. Mais tous ces éléments seraient inopérants si Sendak ne les avait pas rassemblés autour d’un noyau émotionnel puissant : la fureur de Max et la catharsis qu’il atteint par le biais du fantasme. »

C’est ensuite un déferlement d’éloges à la parution de l’album. Ursula Nordstrom écrit à une journaliste en 1964 que Max et les Maximonstres était « le premier album pour enfants américain à prendre en compte le fait que les enfants soient traversés par des émotions puissantes — la colère, la peur —, mais aussi par le besoin, comme Max après que sa rage s’est apaisée, d’être aimé, d’être aimé terriblement. De nombreux livres d’images contiennent de belles histoires et de jolies images, et certains sont parvenus à pointer du doigt des éléments essentiels de la vie des enfants… Mais il me semble que Max et les Maximonstres va plus loin. »

DE L’ÉCRIT À L’ÉCRAN : L’INTERPRÉTATION CINÉMATOGRAPHIQUE DE SPIKE JONZE

LE VOYAGE DE MAX : UN RÉCIT D’APPRENTISSAGE AU PAYS DES MAXIMONSTRES

Synopsis :Max se sent seul et incompris chez lui. Un soir, agacé par la présence de l’amant de sa mère, il fait une crise. Suite à cela, il est puni et envoyé au lit sans souper. Il s’enfuit alors de la maison familiale. Au terme d’un périple merveilleux, il accoste dans un pays peuplé de mystérieuses et étranges créatures aux réactions imprévisibles. Ce sont les Maximonstres, qui attendent un chef capable de les diriger. Max, lui, rêve d’un royaume sur lequel étendre son pouvoir.

Le scénario du film comporte trois temps auxquels sont associés trois lieux. D’abord, le monde ordinaire et fade de la banlieue américaine, puis le monde merveilleux et plein d’aventures de l’île des Maximonstres, enfin le retour dans le monde de départ, qui confirme l’évolution du personnage.

ACTE 1 : RECRÉER LE MONDE : UNE ODE AUX POUVOIRS DE L’IMAGINATION

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Max et les Maximonstres : explorer un monde inconnu

MAX ET LES MAXIMONSTRES

ACTE 2 : EXPLORER UN MONDE INCONNU : L’ÎLE DES MAXIMONSTRES, ENTRE RÉALISME ET MERVEILLEUX

C’est un voyage onirique et joyeux mais aussi sombre et grave, qui retranscrit la complexité de l’enfance. Cette dualité est soulignée par une tension entre réalisme et merveilleux. D’une part, merveilleux, car les Maximontres sont des créatures extraordinaires et fascinantes aux allures impressionnantes qui rappellent les créatures mythologiques mi-homme mi-animal du voyage d’Ulysse, comme le minotaure (mi-homme, mi-taureau), les sirènes (mi-femme, mi-oiseau), les chimères, les harpies, etc. Parmi eux : K.W, Carol, Douglas, Bull, Judith, Ira, Alexander, etc. D’autre part, réaliste, car de nombreux échos sont ménagés avec le premier acte.

LE MERVEILLEUX

Ce nouvel univers extraordinaire forme un contraste avec le monde du premier acte. D’abord, visuellement. Les monstres ont en effet été conçus dans des ateliers. Leur fabrication a duré huit mois. Spike Jonze n’a pas utilisé à outrance les effets spéciaux : il a tourné avec des acteurs en costumes. Les mouvements du visage ont été affinés ensuite numériquement.

LES MONSTRES

Les monstres sont des figures traditionnelles des récits étranges. « Monstre » vient du latin « monstrare » qui signifie « montrer », et de « monere », « avertir », « éclairer ». Les monstres fascinent par leur étrangeté qui suscite effroi ou curiosité, et les porte à la marge. Néanmoins Spike Jonze renverse ce lieu commun. Les monstres sont humanisés, dotés d’un prénom et d’une personnalité bien trempée. Celle-ci contribue à les rendre attachants, tout comme leur apparence de grosses peluches. Elle les rapproche « d’archétypes », facilitant ainsi l’identification avec les spectateurs (Carol, le chef naturel du groupe, Alexander, la chèvre immature, KW, la mère douce et bienveillante, Douglas, le mentor et la voix de la sagesse, Judith, cynique et jalouse).
Nous comprenons vite que c’est en réalité Max le monstre dans ce nouvel univers : il est en marge et ne maîtrise pas encore les codes de cette communauté. Ce plan d’ensemble qui réunit les monstres dans une même unité, tandis que Max apparaît isolé au plan suivant dans le contre-champ souligne cette idée.

DES CORRESPONDANCES AVEC LE MONDE ORDINAIRE : UNE REPRÉSENTATION CATHARTIQUE ?

Le contraste avec l’univers de départ est évident. Néanmoins de nombreuses ressemblances se dessinent, car chaque monstre est une extension des peurs de Max. Nous voyageons donc dans les représentations du jeune garçon, d’où ce renvoi à des scènes du premier acte, qui donne un caractère réaliste à l’aventure. Par exemple, à la bataille de boules de neige répond la bataille de mottes de terre ; à la course poursuite avec la mère répond la course poursuite avec Carol. Le scénario repose sur un système de répétitions / variations, destiné à mettre en lumière l’évolution du personnage. En effet, Max ne réagit pas de la même manière : en observant chez les autres ses propres réactions, il les comprend, les dépasse.

La représentation permet alors à Max de mettre à distance ses émotions. C’est le principe de la catharsis : Max et les spectateurs peuvent se « purger » de leurs émotions négatives. Le protagoniste passe donc d’émotions subies à des émotions comprises : cette nouvelle maîtrise est rendue sensible par la représentation de la figure du roi. Au costume du loup s’ajoute une couronne et un spectre.

Max, roi des Maximonstres, un coup de bluff ?

Max endosse le rôle du roi — donc l’archétype du leader — et trouve un équilibre par ce biais avec la communauté. La rencontre fonctionne : immenses fêtes, roulades dans le désert, construction d’un fort. Le spectateur vibre par identification. Néanmoins ce statut se révèle rapidement une impasse. D’une part, il repose sur un mensonge de Max à lui-même : la figure du roi se substitue à celle du loup mais empêche Max de se révéler pleinement : elle est un nouvel artifice — un nouveau déguisement. D’autre part, c’est une illusion destinée à berner les Maximonstres. En effet, pour sauver sa peau et assouvir ses fantasmes, Max invente un récit épique où il déclare avoir vaincu des monstres qui attaquaient sa forteresse de glace. Cette scène installe donc un effet d’ironie dramatique : le spectateur a connaissance de quelque chose que les personnages ignorent encore. Le suspense est créé — on sait que l’équilibre du groupe est fragile, et on craint les réactions des monstres lors de la révélation, scène attendue.

EXPLORER DES RÉGIONS INCONNUES : LES DIFFÉRENTS DÉCORS DE L’ÎLE.

Son pouvoir enfin sacré, Max peut transformer l’île et s’y promener. Cette exploration concourt à une diversité visuelle, car l’île est composée de lieux variés comme la forêt, le désert, la mer.
Visuellement intéressants, ces espaces naturels racontent aussi les personnages. L’océan peut ainsi correspondre à la peur de l’inconnu, le désert symboliser l’angoisse d’abandon, la montagne, le désir de grandir, la forêt, un lieu ambivalent, de refuge et de chasse. La narration gagne ainsi en expressivité grâce au choix du décor. Par exemple, ce monde sauvage et informe (première apparition) — qui exprime la faiblesse de Max — s’organise progressivement, avec la construction d’un fort en bois tressé. Symboliquement, on peut lire à travers cette appropriation de l’espace un désir de Max d’apprivoiser ses pulsions.

DEUXIÈME ANALYSE FILMIQUE :
(01:05:44 à 01:18:26)

« Alors Sire, tu règnes à coup de bagarres ? » demande Judith à Max. La bataille de mottes de terre a semé la zizanie sur l’île. Ce jeu archaïque proposé par Max, qui consiste à se « faire la guerre et se castagner complètement », lève les doutes sur l’identité de Max. Son statut de roi est contesté. Cette séquence est donc jalonnée par une série de révélations.
La composition de ce plan d’ensemble accroît la solitude et la tristesse du personnage. Au premier plan, Max est prostré contre un arbre. Le jeu de lumière met en évidence l’arrière-plan, vide, à la manière d’un clair-obscur. Le tronc sur lequel est adossé le protagoniste crée une diagonale, un mouvement descendant qui semble donner un caractère inéluctable au destin de Max, à sa « chute ». La bande sonore renforce cette mélancolie.
Max a envie de rentrer chez lui. La composition symétrique de ce plan traduit sa nostalgie, mais aussi sa détermination. C’est un paysage état-d’âme.

UNE SÉRIE DE RÉVÉLATIONS : CELLE DES MAXIMONSTRES PUIS…

Les réactions des personnages varient face à l’imposture de Max.
« T’es pas vraiment roi, hein ? T’es qu’un garçon ordinaire. » demandera Alexander à Max. Max, en amorce, s’apprête à rejoindre Alexander. La distance qui les sépare est rendue sensible par la grande profondeur de champ. La profondeur de champ désigne la portion d’espace dans laquelle l’image est nette.
« Il n’y a pas le moindre roi. Il n’y a qu’un garçon qui joue au loup, qui joue au roi » déclare Douglas à Carol. La prise de conscience de Carol provoque sa colère, mise en exergue par un élément du décor, le feu crépitant au second plan. La contre-plongée nous place dans le point de vue de Max : elle rend le Maximonstre plus impressionnant, toisant et menaçant.

…CELLE DE MAX

La révélation de Max est salutaire : elle le conduit à une véritable renaissance. Cette prise de conscience forme un contre-point avec une scène de la première partie du film, où Max s’échappe de chez lui, poursuivi par sa mère. D’une part, on peut noter une identité sonore : le même thème musical est utilisé (« Animal » de Karen 0 and The Kids) ; une identité dans le dialogue (Max crie à Carol : « tu es ingérable ») ; enfin, un traitement visuel similaire (une caméra portée, un montage parallèle).

« Il a peur, c’est tout »

Cette scène comporte néanmoins de nombreuses différences. Au début du film, Max fuyait son logis pour embarquer dans un monde inconnu. Ici, il ne peut s’échapper : il est stoppé net dans sa course par KW, en travers de son chemin. Le lieu choisi pour la révélation est symbolique : le ventre du Maximonstre incarnant l’archétype de la mère. En comprenant la réaction de Carol, Max met à distance ses émotions. Il reconnaît l’importance de la famille et le rôle protecteur de sa mère.
Ce plan réactive un leitmotiv du film : celle de la grotte / cabane incarnant un refuge. Pour la première fois, Max s’y sent à l’étroit.
Max « sort » littéralement du ventre de KW comme un nouveau-né. Les gros plans montrent le visage humidifié de Max et son regard abasourdi. Les mouvements de caméra (panoramique ascendant) accompagnent cette mise au monde, qui connote positivement, s’apparente à une élévation.
« Si seulement vous aviez une maman ». Max ne porte plus sa couronne ni sa capuche, contrairement aux scènes précédentes. Il retire le masque derrière lequel il se cachait. Lors d’une prise de conscience, le héros se voit enfin tel qu’il est vraiment et s’accepte pour la première fois.

Acte 3 : Retourner dans le monde ordinaire après l’aventure

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Max et les Maximonstres : recréer le monde

MAX ET LES MAXIMONSTRES

ACTE 1 : RECRÉER LE MONDE : UNE ODE AUX POUVOIRS DE L’IMAGINATION

L’Étrange est un des registres du surnaturel, avec le merveilleux et le fantastique. Le merveilleux correspond à un surnaturel accepté, tant par les spectateurs que par les personnages. Ce registre diffère de l’étrange, où l’on débouche sur une interprétation rationnelle des éléments surnaturels qui le traversent. Quant au registre fantastique, il se place entre le merveilleux et l’étrange : il produit une incertitude entre le surnaturel et le naturel, le possible et l’impossible. Le lecteur / spectateur est incapable de trancher. Max et les Maximonstres utilise un registre merveilleux.

La transition vers le monde extraordinaire — qui correspond à un voyage réel en barque —installe le registre merveilleux. Celui-ci a été préparé par plusieurs effets d’annonce et par la représentation d’un monde ordinaire inconfortable où Max rencontre des conflits. La séquence choisie s’organise donc autour du passage entre ces deux univers. Comment les personnages et les spectateurs passent-ils d’un monde à l’autre ? Quel élément déclencheur le motive ?

UNE OUVERTURE RÉALISTE ET SAISISSANTE

Représenter les difficultés que le personnage rencontre dans le monde de départ permet de construire de façon vraisemblable la recherche d’une échappatoire. En effet, Max ne trouve pas sa place dans le monde du premier acte. Il s’y ennuie : cette banlieue américaine est fade. C’est l’hiver. Il est incompris et rencontre différents types de conflits. Aux disputes avec sa sœur s’ajoutent des prises de conscience difficiles, ainsi que le manque d’attention de sa mère, et la présence de l’amant que Max voit comme un concurrent. Nous comprenons que ce monde du premier acte est inconfortable.

« Comme toute chose : le soleil mourra »
Le film aborde des thématiques sombres, la solitude par exemple, mais aussi les premières confrontations à la mort, montrées à travers le regard de Max : « Je voulais qu’on voit les choses comme elles peuvent être vues à travers le regard d’un enfant de neuf ans. » déclare Spike Jonze.
Tandis que Max est en voiture avec sa famille, sous un temps pluvieux, la voix-off du professeur continue. On entend une longue énumération des différents fléaux susceptibles de causer la fin de l’humanité. L’étirement de cette voix-off sur ces plans rapprochés, où l’on voit tour à tour, Max, sa mère puis sa sœur, seuls dans le cadre, souligne la solitude de chaque personnage, pourtant réunis dans un même lieu clos. Ils semblent ainsi enfermés dans leur condition humaine. Max réalise que ceux qu’il aime sont, comme le soleil, voués à mourir.
L’imagination permet à Max de s’extraire de la réalité, de s’évader. L’utilisation de la lumière qui éclaire une partie de son visage, ainsi que la parcelle de ciel bleu visible par la vitre participe de cette idée : l’imagination rend le monde plus beau, plus acceptable.

Cette ode à l’imagination ne cesse d’être filée dans ce monde insipide du premier acte. Max trouve refuge dans une cabane construite dans sa chambre, où il imagine un monde peuplé de peluches — encore inanimées. Comme un démiurge, il allume et éteint la lumière, devenant ainsi le narrateur d’une histoire, ce qui annonce son futur rôle de roi au pays des Maximonstres.
Le décor de ce plan est un moyen de caractériser le personnage principal, mais aussi d’égrener des effets d’annonces, donc de préparer le monde merveilleux. Au premier plan, on peut voir la mappemonde, la lunette et le costume de loup. Situés à l’extérieur de la cachette de Max, ces éléments de décor sont signifiants : le protagoniste devra s’extraire de cette bulle protectrice pour partir à l’aventure et affronter ses peurs. Pour le moment, il n’est encore que « l’ombre de lui-même » comme peut le suggérer cette mise en scène où la silhouette de Max se dessine derrière le tissu.

« J’ai reconstruit le fort, viens dedans ! »

Le réel est présenté comme décevant. Chez Max, il n’est question que de manger, de débarrasser la table, de ranger ses affaires. Des préoccupations assez prosaïques qui laissent peu de place au jeu. L’incident déclencheur survient lors de la dispute entre Max et sa mère, incarnée par Catherine Keener. Une tierce personne — l’amant joué par Mark Ruffalo — forme un obstacle à la relation fusionnelle parent / enfant. Les désirs de Max sont contrecarrés, le conflit, inévitable.
L’utilisation d’un champ / contre champ (nous voyons successivement de face un interlocuteur, puis l’autre) et d’une plongée / contre plongée accentue la tension entre les deux personnages. La plongée illustre le désir de pouvoir de Max. Il aimerait être plus grand, et / ou dominer les autres, comme l’attestent les choix de mise en scène de la séquence, par exemple quand il monte sur des livres ou sur la table.
Max mord sa mère à l’épaule. Filmer Max ici en plan rapproché est un moyen de mettre en exergue le jeu bouleversant du jeune Max Records, qui exprime toute la détresse et l’impuissance du garçon qui blesse ceux qu’il aime involontairement. L’utilisation d’une plongée (la caméra est placée au-dessus du sujet) peut signaler que Max n’est plus maître de ses émotions : il les subit encore. Via cette scène, le « besoin moral » du personnage est exprimé : Max doit apprendre à contrôler ses émotions.

LE PASSAGE VERS LE MONDE MERVEILLEUX

Le registre merveilleux est préparé par plusieurs éléments. D’abord une transition visuelle : à la lumière artificielle de la maison se substitue l’obscurité des rues autour de la maison de Max, puis la pénombre de la forêt. Si cette transition est visuelle, elle est aussi sonore. Un thème musical — « Animal » de Karen 0 and The Kids — fait résonner des rythmes effrénés aux connotations primitives et animales, qui entremêlent cris et accords de guitare.
L’indétermination de la durée du voyage de Max concourt à l’installation du registre merveilleux. Le passage vers l’autre monde est en effet jalonné de fondus enchaînés. Ce procédé de montage relie deux plans autrement que par une coupe franche (une coupe franche ou « cut » désigne le passage d’un plan à un autre sans effet de liaison). Cela contribue à rendre la temporalité floue.
Le voyage commence. Le caractère inquiétant de cette transition vers l’inconnu est renforcé par l’obscurité qui règne et le thème musical utilisé. La composition de ce plan avec Max au centre et la rive (point de fuite) qui s’éloigne progressivement nous amène à considérer la solitude du personnage. Ce procédé rend par ailleurs sensible le dispositif cinématographique. Volontairement expressif, il peut être interprété comme un signe qui manifeste aux spectateurs l’entrée dans la fiction, dans un monde merveilleux.
La barque sera le moyen de locomotion vers l’autre monde. Max y grave son nom. Façon de marquer sa propriété, mais aussi de montrer qu’il nous « embarque » avec lui dans son voyage.

UNE NOUVELLE PÉRIPÉTIE : ACCOSTER SUR L’ÎLE DES MAXIMONSTRES

Le passage du second seuil — l’arrivée en pleine tempête sur l’île des Maximonstres — constitue un premier défi à relever. C’est un monde difficile d’accès d’une part géographiquement : Max rencontre de nombreux obstacles (la tempête, la falaise). D’autre part, psychologiquement, Max n’a pour l’instant aucun adjuvant pour l’aider à relever ce défi. Il est donc une nouvelle fois confronté à sa solitude.
Pour découvrir l’île, le réalisateur a opté pour le choix d’un panoramique de gauche à droite : les vagues puissantes qui s’échouent avec fracas semblent projeter Max vers les falaises : elles rappellent la nature dangereuse de son aventure. Par ailleurs, ce plan d’ensemble souligne la solitude du protagoniste, à peine visible, perdu au milieu des éléments naturels.
Alors qu’il gravit la falaise, Max provoque un éboulement de rochers qui met en péril son équilibre. On peut interpréter ce passage comme un point d’action permettant d’illustrer la détermination du personnage. C’est aussi une façon de mettre en scène la possibilité d’un échec.
Le spectateur se demande si Max arrivera sain et sauf en haut. La plongée totale et vertigineuse crée donc un effet d’attente anxieuse en réactivant un lieu commun des films d’aventure.

UN MONDE DIFFICILEMENT LISIBLE

Il est impossible de prime abord de déchiffrer le pays des Maximonstres, difficilement lisible. Des branches obstruent la vue, des bruits d’explosion retentissent et provoquent des éclats sombres, des panaches de fumée s’échappent, etc. Tout semble chaotique, informe et sauvage. Ces éléments contribuent à brosser une atmosphère inquiétante, renforcée par les contrastes de lumière, et l’apparition de figures massives et étranges : les Maximonstres.
Un « plan subjectif » est un plan qui permet au spectateur d’adopter le point de vue d’un personnage, comme s’il voyait à travers ses yeux. C’est le cas ici : le spectateur doit, à l’instar de Max caché derrière les arbres, aiguiser son regard pour saisir les informations essentielles. Nous sommes donc nous aussi saisis d’une même pulsion scopique. La question dramatique de l’acte 2 est posée : Max réussira-t-il à s’adapter à ce nouvel univers et à ses lois ?

ACTE 2 : EXPLORER UN MONDE INCONNU : L’ÎLE DES MAXIMONSTRES, ENTRE RÉALISME ET MERVEILLEUX

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Max et les Maximonstres : Retourner dans le monde ordinaire après l’aventure

MAX ET LES MAXIMONSTRES

ACTE 3 : RETOURNER DANS LE MONDE ORDINAIRE APRÈS L’AVENTURE

Après la révélation, il est temps pour Max de rentrer chez lui. Les plans d’ensemble mettent en lumière sa nouvelle liberté. Le personnage s’est débarrassé de tous les masques / costumes qui le protégeaient : il est enfin lui-même. Dans la scène suivante, il dit à Carol « Je suis Max ». Et Carol de répondre : « C’est vraiment pas grand-chose » !
« T’es le premier roi qu’on mange pas »

Max quitte les Maximonstres dans une séquence émouvante avec des plans subjectifs, où résonne une musique mélancolique. Carol est absent, Max guette son arrivée : le Maximonstre arrive in extremis, bouleversé, pour faire un dernier adieu au petit garçon.
Max repart, ravi de son expérience sur l’île, dans une posture conquérante.

Max a compris que le plus bel endroit du monde, c’est chez lui, avec sa famille. Son aventure l’a transformé. Pour mettre en évidence le cheminement interne du personnage, on peut noter un nouvel écho au premier acte. Max retrouve sa mère et adopte un nouveau comportement « moral » : il a appris à apprivoiser ses émotions. À la scène de dispute du premier acte se substitue une scène apaisée entre les deux protagonistes.
Max veille maintenant sur sa mère en la regardant s’endormir.
C’est le terme de son récit d’apprentissage : le parcours du héros est terminé. Le film peut s’achever en musique avec l’air de « Food is Still Hot ». C’est le cas : Max dévore son repas.

POUR ALLER PLUS LOIN

Le Maxilivre hommage à Maurice Sendak, Little urban, trad. Agnès Desarthe, novembre 2016.

Analyser une adaptation, du texte à l’écran de Jean Cléder et Laurent Jullier, Flammarion, 2017.

Initiation au vocabulaire de l’analyse filmique d’après un cours de Laurence Moinereau : upopi.ciclic.fr

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